Pollution et nutrition infantile: rationnaliser le débat.

 

 

 

Allaiter? naturellement!

Ressource naturelle et renouvelable, non polluant, biodégradable, avantageux sur le plan nutritionnel, immunitaire, sanitaire, psychologique et économique, le lait maternel n'a pourtant pas toujours été promotionné dans les campagnes en faveur de l'environnement.

Utilisé à contresens, ce slogan d' une campagne de marketing de Greenpeace en 1992: "Si le lait maternel était un médicament, il faudrait le retirer de la vente immédiatement", a probablement fait plus de tort à l'allaitement maternel qu'à toutes les dioxines et les polluants industriels réunis.

On se demande vraiment comment l'Alliance Mondiale pour l'allaitement peut faire en 1997 une telle promotion pour un produit aussi dangereux. Faudrait-il vraiment condamner le lait maternel en zones polluées, c'est à dire presque partout dans le Monde?

Comment rationnaliser le débat et aller jusqu'au bout d'une réflexion sur la création et l'élimination des déchets?

Les polluants du lait maternel ont été étudiés depuis 15 ans par le Dr Rogan (Faut-il avoir peur de la pollution? Dossiers de l'Allaitement N°23, La Leche League, 1995).

Ses recherches ont évolué et se sont affinées, mais le public ne semble pas avoir suivi. Ses premières conclusions de 1980, où il considérait l'allaitement comme une voie importante d'élimination des polluants liposolubles (DDT, PCB) ont marqué durablement l'opinion, qui n'a pas remis à jour ses données.

Pourtant, ses recherches de 1986, 1987 et 1988, 1992,1993 ont permis d'évaluer avec précision l'impact réel à court et à long terme des polluants via le lait maternel.

 

Le Dr Rogan remet actuellement en question la recommandation de mesurer les taux de pollution dans le lait maternel, sauf en cas d'accident de contamination. En effet, selon l'évolution des recherches, seule une situation de pollution exceptionnellement grave à fait constater chez des enfants allaités des troubles neurologique légers pouvant être reliés à des polluants. Encore ces troubles semblent-ils plus liés au passage transplacentaire qu'à l'allaitement lui-même.

 

Par ailleurs, les enfants observés nourris avec des substituts n'ont pas eu une croissance meilleure ou une morbidité moins grande, mais souffraient plus souvent d'otites et de gastroentérites.

Les conclusions des effets à long terme ont permis d'établir qu'en cas d'exposition à divers toxiques pendant l'allaitement, la diminution de la durée de vie moyenne chez les personnes ayant été allaitées est de moins de 3 jours, chez les personnes n'ayant pas été allaitées, la diminution de la durée de vie moyenne est d'environ 70 jours.

Ainsi, "le fait d'avoir été allaité, même avec un lait maternel très pollué,permet d'avoir une espérance de vie supérieure à celle pouvant être attendue si l'on n'avait pas été allaité".

 

C'est cette perspective à long terme qui ne doit jamais être perdue de vue dans le problème de la nutrition infantile et des polluants:

 

· Ne pas allaiter oblige à recourir massivement à des substituts produits industriellements et générateurs de pollution.

Si les concentrations dans le lait maternel de certains polluants comme la dioxine sont de bons indicateurs de l'état de l'environnement, il faut savoir que l'industrie des laits artificiels, par son activité, est elle-même productrice de dioxines.

 

· S'il n'est pas toujours possible d'échapper à certaines pollutions, il est immédiatement possible, lorsqu'on est une femme enceinte puis allaitante, d'agir soi-même pour réduire au minimum les risques d'agression toxique en adoptant des attitudes visant à limiter l'usage personnel de produits polluants, en rechercher une alimentation saine et en essayant de diminuer son exposition et celle de l'enfant à un environnement pollué.

 

· Ne pas donner le premier lait (colostrum) n'est probablement pas une solution, car l'absence d' éléments capitaux pour la sexuation de l'enfant (hormones), le tapissage de la muqueuse intestinale ( immunoglobulinesA), la myélinisation du système nerveux (triglycérides) peut mettre la santé de l'enfant en danger par la baisse générale de qualité de l'alimentation par substituts.

 

· Diminuer la durée de l'allaitement n'a aucun intérêt puisque la concentration du lait maternel en polluants stockés par le corps de la mère, est maximum au début de la lactation et baisse avec la durée de l'allaitement et le nombre d'enfants. .

 

· Il faut insister sur le fait que les substituts du lait maternel, faits à partir de lait de vache, ne sont pas indemnes de polluants et que ce n'est pas une alternative neutre au lait maternel. Les méthodes agricoles d'élevage des vaches laitières sont la plupart du temps des méthodes industrielles lourdes qui impliquent l'utilisation ou l'ajout de nombreux produits de synthèse à des doses variables.

Les animaux sont soumis à divers traitements (antibiotiques, hormones parfois), leur alimentation (la crise de la vache folle a été révélatrice sur ce point) est souvent une alimentation elle-même issue d'une chaîne industrielle qui présente de nombreux points faibles. Les lieux de vie des animaux sont l'objet de divers traitements à l'aide de produits d'hygiène et de désinfection , enfin ils sont exposés à la pollution ambiante qui se propage actuellement dans tout l'environnement, y compris la campagne .

Des contaminations de diverses natures peuvent surgir tout au long de la chaîne de fabrication ou de stockage, dont les contaminations bactériennes. Plusieurs cas ont été constatés: sur des préparations à base de lait de vache: Enterobacter Sakazakii provoquant des méningites, et Lysteria monocytogènes pouvant provoquer des infections mortelles. Des contaminations bactériennes ont égelement été constatées sur des laits à base de soja.

Récemment, un lot de lait pour nourrissons à base de lait de vache, fabriqué en France par la société Milupa, était retiré de la vente au Royaume Uni. On le soupçonne d'être à l'origine de plusieurs cas de salmonellose chez des nouveaux-nés.

Un taux anormal de phtalates, toxiques pour les cellules reproductives masculines, a été décelé dans certaines préparations pour nourrissons . D'une manière générale, le taux d'aluminium y est jusqu'à 60 fois plus élevé que dans le lait humain, le taux de plomb significativement plus élevé, la concentration en iode jusqu'à 10 fois supérieure, le strontium radioactif jusqu'à 6 fois plus élevé que dans le lait humain. L'enfant est exposé à ces polluants tout au long de l'utilisation du produit.

Par ailleurs, on peut se demander quel est l'effet réel de la descente dans la chaîne alimentaire alors que, parallèlement, on a fait monter les herbivores d'un cran en les nourrissant avec des protéines animales?

Les farines animales, soupçonnées d'être l'agent de transmission de la maladies à prions ( "vache folle" ) étaient particulièrement appréciées parcequ'elles augmentaient considérablement la production laitière et on ne peut garantir à l'heure actuelle, l'indemnité des laits industriels.

"Le risque viral existe potentiellement aussi avec les laits industriels d'origine animale, même si les virus en cause peuvent et pourraient être différents. L'agent infectieux, non encore isolé, responsable de l'encéphalopathie spongiforme animale et humaine est là pour nous rappeler à la vigilance; il est à l'origine du retrait du marché d'un certain nombre de spécialités pharmaceutiques à base d'extraits animaux".

(XXIIIème journées nationales de néonatologie, mai 1993, Les lactariums de France en 1993, Marcel Voyer).

 

L'industrie laitière a d'ailleurs déjà pris les devants:

"La filière lait possède ses détracteurs et si demain certains assuraient que tel enzyme est responsable de telle maladie, il faut que nous soyons capables de tout réfuter avec des arguments scientifiques. D'où la nécessité de développer une recherche pointue susceptible de devenir une véritable force de dissuasion".

(Gérard Brulé, professeur à l'Ecole supérieure agronomique de Rennes. Le Monde, mardi 11 juin 1996).

 

L'expression "force de dissuasion" ne laisse aucun doute sur les intentions de l'industrie, pour laquelle la science à un but utilitaire, et non spéculatif. La possibilité d'un danger effectif et le traitement de ses conséquences n'est pas envisagé.

 

Dans une perspective à long terme, il s'agit de changer nos habitudes de vie et de revoir le processus industriel. L'allaitement maternel est un excellent exemple d'un produit d'une qualité exceptionnelle, disponible pour tout un chacun, gratuit et non polluant. D'autres alternatives aussi avantageuses doivent exister pour améliorer notre vie.

Pascale Camus-Walter


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